Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mon ami ! répéta la comtesse Lydie Ivanovna, sans le quitter des yeux ; et, tout d’un coup, ses sourcils se soulevèrent formant un triangle sur son front et son vilain visage jaune en devint encore plus laid.

Mais Alexis Alexandrovitch sentit qu’elle le plaignait, qu’elle était prête à pleurer, et l’attendrissement le gagna. Il saisit sa main potelée et la baisa.

— Mon ami, répéta-t-elle la voix entrecoupée par l’émotion, vous ne devez pas vous abandonner ainsi à la douleur. Elle est grande mais il faut chercher à l’apaiser.

— Je suis brisé, tué ! Je ne suis plus un homme ! dit Alexis Alexandrovitch, abandonnant sa main mais continuant à regarder ses yeux remplis de larmes. Ma situation est d’autant plus affreuse que je ne trouve ni en moi, ni en dehors de moi, d’appui pour me soutenir.

— Vous trouverez cet appui, non pas en moi, bien que je vous supplie de croire en mon amitié, dit-elle avec un soupir, mais en Lui ! Votre appui est dans son amour ; son joug est léger, continua-t-elle avec ce regard exalté qu’Alexis Alexandrovitch connaissait bien. Il vous entendra et vous aidera !

Dans ces paroles, dans cet attendrissement devant un sentiment élevé, se reflétait ce courant d’exaltation mystique nouvellement introduit à Pétersbourg et qu’Alexis Alexandrovitch blâmait