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solliciteur, avec lesquels ils pouvait discuter librement les actes de certains personnages et du gouvernement, mais tous ces rapports s’arrêtaient à des limites très nettes, définies par l’habitude et la coutume et dont il était impossible de sortir. Il avait bien un camarade de l’Université, dont il s’était rapproché par la suite et avec qui il aurait pu causer de son malheur, mais ce camarade était curateur d’une académie lointaine ; bref, les seules relations familières qu’il eût à Pétersbourg étaient son chef de cabinet et son médecin.

Michel Vassiliévitch Sludine, son chef de cabinet, était un homme simple, intelligent, bon, honnête, et Alexis Alexandrovitch avait beaucoup de sympathie pour sa personne. Mais cinq années de service avaient mis entre eux une barrière qui arrêtait les confidences intimes.

Quand Alexis Alexandrovitch eut signé les papiers, longtemps il se tut, regardant par instants Michel Vassiliévitch, et à plusieurs reprises il essaya vainement de s’ouvrir à lui. Il avait déjà préparé la phrase : « Vous savez mon malheur », mais en le congédiant il se borna à la formule habituelle : « Alors vous me préparerez ce travail. »

L’autre personne, également bien disposée pour lui, c’était son docteur ; mais par une sorte de consentement tacite, depuis longtemps tous deux semblaient convaincus qu’ils étaient l’un et l’autre trop occupés pour prolonger leurs entretiens.