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très basse, Lévine craignant cependant que le malade ne l’entendît lui fit signe de se taire et se tourna vers son frère. Nicolas avait entendu ces paroles, mais elles ne firent sur lui aucune impression. Son regard resta le même, grave et plein de reproches.

— Pourquoi pensez-vous cela ? lui demanda Lévine quand ils sortirent ensemble dans le couloir.

— Il se dépouille, dit Marie Nikolaïevna.

— Comment cela ?

— Ainsi, dit-elle en tirant les plis de sa robe de laine.

Lévine remarqua en effet que toute la journée le malade avait tiré la couverture comme s’il eût voulu s’en dépouiller.

Marie Nikolaïevna avait prédit juste. Vers le soir le malade n’eut plus la force de soulever les bras, et son regard immobile prit une expression d’attention concentrée qui ne changea pas même quand son frère ou Kitty se penchèrent vers lui afin qu’il pût les voir. Kitty fit venir le prêtre pour dire les prières des agonisants.

Pendant que le prêtre récitait les prières, le malade, qu’entouraient Lévine, Kitty et Marie Nikolaïevna, ne donna aucun signe de vie et garda les yeux fermés ; mais avant la fin des prières, soudain le mourant s’étira, poussa un soupir et ouvrit les yeux.