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la quitter, tantôt je crains qu’elle ne s’ennuie. Et moi qui croyais que jusqu’au mariage la vie ne comptait pas et qu’après commençait la véritable existence ! Et voilà bientôt trois mois que je suis marié et jamais je n’ai passé mon temps d’une façon aussi oisive. Non, cela ne peut durer. Il faut s’y mettre. Ce n’est pas de sa faute à elle. On ne peut rien lui reprocher ; c’est moi qui devrais être plus ferme, défendre mon indépendance d’homme ; sans quoi on finirait par prendre de mauvaises habitudes… mais ce n’est pas de sa faute », se dit-il.

Il est difficile à un homme mécontent de ne pas rejeter la cause de ce mécontentement sur la personne qui est le plus près de lui. Aussi Lévine songeait-il vaguement que ce n’était pas elle qui était coupable (il ne pouvait l’accuser) mais son éducation ; une éducation superficielle et frivole. « Cet imbécile de Tcharsky, par exemple, malgré qu’elle l’ait voulu, elle n’a pas su le tenir en respect. Sauf ses petits intérêts de ménage (il faut lui accorder cela), sa toilette, et sa broderie anglaise, elle n’a aucun intérêt sérieux. Aucune sympathie pour mes travaux, pour l’exploitation ou pour les paysans ; elle n’a pas même de goût pour la lecture et la musique, et cependant elle est bonne musicienne. Elle ne fait rien et se trouve néanmoins très satisfaite. »

En son for intérieur Lévine la blâmait et ne com-