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étonnement les yeux ternes de son beau-frère qui s’arrêtaient par hasard sur lui, et se mit à lire :

« Je vois que ma présence vous est pénible. Quelque douloureuse que soit pour moi cette constatation, je dois le reconnaître et j’ai la conviction qu’il n’en saurait être autrement. Je ne vous accuse pas, et, Dieu m’est témoin qu’en vous voyant pendant votre maladie, j’ai pris la résolution d’oublier tout ce qui avait causé notre désunion et de recommencer une nouvelle vie. Je ne me repens pas et ne me repentirai jamais de ce que j’ai fait. Mais j’ai uniquement désiré votre bonheur, le salut de votre âme, et je vois que je n’ai pas atteint mon but. Dites-moi vous-même ce qui donnera à votre âme le vrai bonheur et le calme. Je m’en remets entièrement à votre volonté et à votre équité. »

Stépan Arkadiévitch rendit la lettre à son beau-frère et continua à le regarder, ne sachant que lui dire. Ce silence leur pesait tellement à tous deux, que les lèvres de Stépan Arkadiévitch étaient agitées d’un tremblement nerveux, tandis qu’il regardait sans mot dire le visage de Karénine.

— Voilà ce que j’ai voulu lui dire, prononça Alexis Alexandrovitch en se détournant.

— Oui, oui… fit Stépan Arkadiévitch, la voix entrecoupée de sanglots. Oui, oui, je vous comprends, prononça-t-il enfin.

— Je désire savoir ce qu’elle veut, dit Alexis Alexandrovitch.