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lui prendre son fils. Il n’ignorait pas toutes les diflicultés que comportait cette décision, néanmoins sa résolution était prise, il ne lui restait plus désormais qu’à exécuter sa menace. La comtesse Lydia Ivanovna lui avait laissé entendre que c’était la meilleure solution à apporter à sa situation, et les derniers temps, la pratique du divorce s’était tellement perfectionnée qu’Alexis Alexandrovitch entrevoyait la possibilité de vaincre les principales difficultés de forme.

Mais un malheur n’arrive jamais seul ; l’affaire des populations allogènes et celle de l’épandage des champs de la province de Zaraïsk avaient occasionné tant de désagréments de service à Alexis Alexandrovitch, que depuis quelque temps il était dans un état d’irritation extrême.

Il ne dormit pas de la nuit, et sa colère n’en fit que s’accroître, si bien qu’au matin, elle avait atteint les dernières limites. Il s’habilla hâtivement et se rendit chez sa femme dès qu’il la sut levée. On eût dit que sa colère emplissait jusqu’au bord une tasse qu’il craignait de voir déborder, redoutant de perdre, en même temps que cette colère, l’énergie dont il avait besoin pour l’explication qu’il était décidé à provoquer.

Anna, qui croyait si bien connaître son mari, fut frappée par l’expression de son visage au moment où il entra chez elle. Son front était plissé et son regard sombre semblait vouloir éviter le sien. Ses