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En réalité, ce qu’il apprécia le plus ce furent les actrices françaises, les danseuses de ballet et le champagne au cachet blanc.

Vronskï était habitué à se trouver en compagnie des princes, néanmoins, soit que les derniers temps il eût changé lui-même, soit en raison même de la trop grande proximité de son existence avec la leur, cette semaine lui avait été particulièrement pénible. Durant ces sept jours il n’avait cessé d’éprouver une sensation semblable à celle d’un homme qui, attaché à la surveillance d’un fou dangereux, aurait peur de ce fou et, craindrait en même temps, par suite de son intimité avec lui, pour sa propre raison. Vronskï sentait constamment la nécessité où il était de ne pas sortir un seul instant du ton de respect officiel, s’il ne voulait pas être offensé ; le prince ne montrait en effet que le plus hautain mépris pour ces personnes qui, à l’étonnement de Vronskï, s’évertuaient à lui faire goûter les plaisirs russes. À plusieurs reprises ses réflexions sur les femmes, qui faisaient l’objet d’une étude minutieuse de sa part, firent rougir d’indignation Vronskï ; mais, ce qui rendait à celui-ci la société du prince particulièrement pénible, c’est que, malgré lui, il se retrouvait en ce personnage. Et ce que lui reflétait ce miroir n’était pas pour flatter son amour-propre : il y voyait en effet un homme très sot, fort infatué de sa personne, d’une santé florissante et d’un extérieur des plus soignés, mais