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ment. Partout et toujours il y a eu des esclaves, puis des métayers. Chez nous aussi, il y a des métayers, des fermiers et des journaliers. Que veux-tu de plus ?

Lévine s’enflamma à ces dernières paroles ; au fond, il craignait que son frère n’eût raison en lui reprochant de vouloir établir un juste milieu entre le communisme et les formes actuelles du travail.

— Ce que je cherche, c’est une forme de travail avantageuse pour moi et pour l’ouvrier. Je veux instituer… commença-t-il avec chaleur.

— Tu ne veux rien instituer, ton véritable but, le seul que tu aies jamais eu, c’est de passer pour un original et tu veux montrer que tu n’exploites pas le paysan tout simplement, mais que tu y mets des formes.

— S’il en est ainsi, laissons cela ! répondit Lévine qui sentait les muscles de sa joue gauche tressaillir nerveusement.

— Tu n’as pas et tu n’as jamais eu de convictions ; tu ne cherches qu’à flatter ton amour-propre.

— Soit ! Mais laisse-moi tranquille !

— C’est aussi mon intention ! Il y a même longtemps que j’aurais dû le faire ! Que le diable t’emporte ! Je regrette fort d’être venu.

Lévine eut beau chercher à calmer son frère, Nicolas ne voulut rien entendre : il déclarait qu’il valait beaucoup mieux se séparer ; d’autre part il