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fermement convaincus que, malgré leurs déclarations les plus formelles, les projets de ceux-ci seraient toujours en opposition avec leurs promesses. Eux-mêmes ne parlaient-ils pas beaucoup sans jamais exprimer le fond de leur pensée ? En outre, et à ce point de vue, Lévine sentait que le propriétaire grincheux avait raison, les paysans posaient comme première et absolue condition de tout accord, quel qu’il soit, la liberté pour eux de travailler sans être astreints à faire usage des nouveaux procédés, ni des nouvelles machines. Tout en admettant que la charrue laboure mieux, que la machine à vapeur travaille plus régulièrement, ils alléguaient mille raisons pour n’employer ni l’une ni l’autre ; de son côté, Lévine malgré qu’il eût la conviction que le niveau de l’exploitation devait être abaissé, ne renonçait qu’à contre-cœur à des perfectionnements dont les avantages étaient si évidents.

En dépit de toutes ces difficultés, Lévine poursuivit la réalisation de ses projets, si bien qu’à l’automne l’affaire était organisée ou du moins lui paraissait telle. Il avait d’abord songé à louer son exploitation telle quelle, aux paysans, aux ouvriers et à l’intendant, sur une nouvelle base sociale. Mais il n’avait pas tardé à se convaincre de l’impossibilité de réaliser ce projet ; il résolut alors de répartir le cheptel, le verger, le potager, les foins, les champs en diverses sections. Le naïf Ivan, qui