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ciel. Et cette idée gâtait en partie le plaisir qu’il se promettait de son séjour chez Sviajskï.

En recevant la lettre de Sviajskï, dans laquelle celui-ci l’invitait à venir chasser, Lévine avait aussitôt pensé à cela ; cependant, après réflexion, il se convainquit que les intentions qu’il prêtait à Sviajskï n’étaient en somme que de pures hypothèses, sans aucun fondement sérieux et il résolut de passer outre et de se rendre à son invitation. Il n’était d’ailleurs pas fâché de se soumettre à cette épreuve et de voir de plus près cette jeune fille.

La vie de famille de son ami lui était particulièrement agréable, en outre, il considérait Sviajskï comme le meilleur des membres des zemstvos qu’il connût et il le trouvait excessivement intéressant.

C’était une de ces natures d’hommes qui déconcertaient toujours Lévine ; un de ces hommes dont les raisonnements reflètent une logique ferme bien qu’empruntée et dont la vie, nettement définie d’après des principes fermement arrêtés, s’écoule dans l’indépendance la plus complète, souvent même la plus opposée à leurs raisonnements. Sviajskï était de ceux-là ; il faisait montre d’un caractère excessivement libéral. Tout en méprisant la noblesse et regardant la plupart des gentilshommes comme de vrais planteurs, incapables d’oser s’expliquer à voix haute, tout en considérant la Russie comme un pays perdu et la comparant à la