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contradiction absolue avec la sienne. Mais elle portait une toilette qui, elle le savait, lui allait à merveille, puis elle se croyait moins seule, au milieu de cette habituelle atmosphère d’oisiveté solennelle, aussi se sentait-elle mieux qu’à la maison. Au moins il ne lui était pas nécessaire de s’ingénier à trouver l’emploi de son temps. Elle n’avait qu’à laisser aller les choses d’elles-mêmes. Voyant Betsy venir à sa rencontre, dans une toilette blanche dont l’élégance la frappa, Anna lui sourit comme toujours. La princesse Tverskaïa était accompagnée de Touschevitch et d’une jeune fille, une parente de province, qui, à la grande joie de sa famille, passait l’été chez la fameuse princesse.

L’expression d’Anna avait sans doute quelque chose de particulier, car Betsy lui en fit aussitôt la remarque.

— J’ai mal dormi, répondit Anna en regardant attentivement le valet qui venait à leur rencontre et qui, elle le supposait, portait le billet de Vronskï.

— Comme je suis heureuse que vous soyez venue, dit Betsy. Je suis fatiguée et je voudrais précisément m’installer pour prendre une tasse de thé avant leur arrivée…

Puis s’adressant à Touschevitch :

— Vous ferez bien d’essayer avec Macha le croket ground à l’endroit où l’on a rasé le gazon. Nous aurons le temps de causer ensemble pendant le thé, we’ll have a cosy chat, n’est-ce pas ? pour-