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Jusqu’ici elle avait écrit rapidement et sans embarras ; mais l’appel à la générosité de son mari, qualité qu’elle se refusait à lui reconnaître, et l’obligation de terminer la lettre par quelques paroles touchantes l’arrêtèrent.

« Parler de ma faute et de mon repentir, mais cela m’est impossible parce que… » De nouveau elle s’arrêta ne sachant comment exprimer sa pensée. « Non, se dit-elle, je n’ajouterai rien », et déchirant la lettre, elle en écrivit une autre où elle s’abstint de faire allusion aux sentiments généreux d’Alexis Alexandrovitch, puis la cacheta. Restait à écrire à Vronskï. Elle traça d’abord ces mots : « J’ai tout avoué à mon mari », puis elle s’arrêta et longtemps fut incapable d’en écrire davantage. Ce début lui paraissait brutal et peu féminin. « Mais que lui écrire ensuite… ? » se dit-elle.

De nouveau la rougeur de la honte couvrait son visage au souvenir de son calme ; elle fut saisie d’un vif dépit contre lui et déchira en menus morceaux la lettre commencée. « Ce n’est pas la peine », se dit-elle » ; fermant alors son buvard elle monta annoncer à la gouvernante et aux domestiques qu’elle partirait ce jour même pour Moscou et commença aussitôt les préparatifs du départ.