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terrompit Lévine, s’efforçant de retenir le sourire de bonheur qui se montrait malgré lui sur son visage. « Oui, pensait-il, voilà la vie, voilà le bonheur ! Ensemble, a-t-elle dit. Patinons ensemble. Faut-il lui parler maintenant ? Mais voilà, je crains de dire que je suis heureux, heureux d’espérance au moins. Et alors ? Mais il le faut, il le faut, il le faut ! Du courage ! »

Lévine se dressa sur les pieds, ôta sa pelisse, puis, ayant fait quelques pas sur la glace raboteuse, près de la maisonnette du loueur, il s’élança sur la glace unie, glissant sans efforts, accélérant ou retenant la vitesse à son gré. Il s’approchait d’elle timidement, mais de nouveau, son sourire le rassura. Elle lui tendit la main ; ils coururent à l’écart, et plus vite ils allaient, plus fort elle lui serrait la main.

— Avec vous j’apprendrai plus vite ; je me sens tout à fait sûre, lui dit-elle.

— Et moi aussi, je suis sûr de moi quand vous vous appuyez sur mon bras, dit-il.

Mais aussitôt, effrayé de ses paroles, il rougit. Et en effet, aussitôt qu’il les eût prononcées, ce fut comme si le soleil disparaissait dans les nuages ; le visage de Kitty perdit sa douceur et Lévine y surprit un jeu de physionomie qu’il connaissait bien et qui indiquait un effort de pensée : sur son front se dessina un pli.

— Vous aurais-je contrariée ? Mais je n’ai pas le