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heure-là, le rendez-vous des gens du monde, et, tous se connaissaient entre eux. On y rencontrait les maîtres du patinage, véritables artistes en ce sport, et aussi ceux qui apprenaient à patiner derrière des chaises, avec des mouvements timides et gauches ; des enfants et des vieilles personnes faisant du patinage un exercice hygiénique. Tous semblaient à Lévine d’heureux élus parce qu’ils étaient tout près d’elle. Tous les patineurs semblaient la joindre et la dépasser avec la plus complète indifférence, causer même avec elle, et, sans plus s’occuper de sa présence, profiter de la superbe glace et du beau temps.

Nicolas Stcherbatzkï, un cousin germain de Kitty, en jaquette courte et pantalons étroits, était assis sur un banc, les patins aux pieds ; en apercevant Lévine il lui cria :

— Ah ! voici le premier patineur de la Russie !… Y a-t-il longtemps qu’on ne vous a vu !… La glace est excellente, mettez donc vite vos patins.

— Je ne les ai pas apportés, répondit Lévine littéralement fasciné par la présence de Kitty et ne la perdant pas de vue une seconde, bien que ne la regardant pas. Il lui semblait que le soleil s’approchait de lui. Elle était dans un coin, ses pieds minces chaussés de hautes bottines ; visiblement craintive, elle glissait vers lui. Un jeune garçon en costume russe faisant des gestes désespérés avec ses mains et s’inclinant jusqu’à terre cherchait à la dépasser.