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moi, de quoi serais-je content ? Je n’ai vaincu personne, et puis il faut retirer soi-même ses bottes et les mettre derrière la porte. Le matin, aussitôt levé, il faut s’habiller, aller au salon, prendre un mauvais thé. À la maison ! Ce n’est pas la même chose. On s’éveille sans se hâter ; on se fâche pour une chose ou pour une autre ; on gronde, on se remet, et on réfléchit, tout cela sans se presser.

— Mais le temps, c’est de l’argent, vous l’oubliez, fit le colonel.

— Quel temps ? Il y a des années dont on donnerait un mois pour cinquante kopeks, et il y a des minutes qu’on ne céderait à aucun prix. N’est-ce pas, Kitty ? Pourquoi es-tu si triste ?

— Moi ? Je n’ai rien.

— Où allez-vous donc ? Restez avec nous, dit-il à Varenka.

— J’ai besoin d’aller à la maison, répondit Varenka en se levant, et, de nouveau, elle se mit à rire. Puis elle se calma, prit congé de tous et entra dans la maison pour y prendre son chapeau.

Kitty la suivit. Varenka elle-même lui paraissait maintenant tout autre. Elle n’était pas pire mais elle était différente de ce qu’elle l’avait crue auparavant.

— Ah ! il y a longtemps que je n’ai tant ri ! dit Varenka en prenant son ombrelle et son petit sac. Quel charmant homme est votre père !

Kitty se taisait.