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tribune impériale ; l’empereur, toute la cour et une foule énorme, tous regardaient les deux cavaliers, lui et Makhotine, qui tenaient la tête, à une longueur l’un de l’autre, au moment où ils approchaient du diable (ainsi s’appelait cet obstacle). Vronskï sentait des yeux dirigés sur lui de tous côtés, mais il ne voyait rien, sauf les oreilles et le cou de son cheval, la terre qui courait à sa rencontre et la croupe et les pieds blancs de Gladiateur qui gardait toujours la même avance sur lui. Gladiateur se souleva sans toucher les planches, fit un mouvement de sa queue courte et disparut des yeux de Vronskï. « Bravo ! » fit une voix. Au même moment, devant les yeux de Vronskï et devant lui-même disparaissaient les planches de la barrière. Sans le moindre changement d’allure le cheval se souleva sous lui, les planches disparurent, seulement quelque chose craqua derrière le cheval, qui, excité par Gladiateur qui passait devant, se soulevait trop tôt devant l’obstacle et le frappait de son sabot de derrière. Mais son allure n’était pas changée, et Vronskï, en recevant au visage une petite éclaboussure, comprit qu’il était toujours à la même distance de Gladiateur. De nouveau il aperçut devant lui sa croupe, sa queue courte et les mêmes pieds blancs qui se remuaient rapidement sans s’éloigner.

Au moment même où Vronskï pensait que le moment était venu de dépasser Makhotine, Frou-