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Se sentant avec les autres le centre sur lequel étaient fixés tous les yeux, Vronskï, dans cet état anxieux qui d’ordinaire avait pour effet de le rendre lent et calme dans ses mouvements, s’approcha de sa monture. Cord, en l’honneur des courses, avait endossé son costume de cérémonie : une redingote noire boutonnée, un col très empesé qui lui remontait les joues, un chapeau rond noir, et de hautes bottes. Il était, comme toujours, calme et imposant, et lui-même à la tête du cheval, le tenait par les deux brides ; Froufrou continuait de trembler comme prise de fièvre. Son œil en feu obliquait vers Vronskï qu’elle voyait s’approcher. Vronskï poussa son doigt sous la selle. L’œil obliqua encore davantage, et la bête montra les dents et coucha l’oreille. L’Anglais, par un grimacement des lèvres, exprimait son mécontentement de ce qu’on examinait son sellage.

— Montez ! vous serez moins nerveux.

Vronskï se retourna une dernière fois vers ses adversaires. Il savait que pendant la course il ne les verrait plus. Deux étaient déjà en avant, à l’endroit d’où les chevaux devaient partir. Galtzine, un des adversaires dangereux de Vronskï, et son ami, tournait autour du trotteur bai qui ne lui permettait pas de l’enfourcher. Le petit hussard, en pantalon étroit, allait au galop, courbé en deux sur son cheval afin d’imiter les Anglais. Le prince Kouzovlev, pâle, était sur sa jument du haras de Gra-