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lui et le regardant avec un sourire plein d’amour. Moi je suis un être qui a faim et à qui l’on donne à manger. Il a peut-être froid, son habit est peut-être déchiré et il en a honte, mais il n’est pas malheureux. Moi malheureuse ! Non, voici mon bonheur !…

Elle entendit la voix de son fils qui approchait, et, jetant un regard rapide sur la terrasse, elle se leva brusquement. Son regard s’enflamma d’un feu qu’il connaissait. D’un mouvement rapide elle leva ses belles mains chargées de bagues, le prit par la tête, le regarda longuement et, approchant de son visage ses lèvres ouvertes et souriantes, rapidement elle lui baisa les yeux et les lèvres puis le repoussa. Elle voulait s’en aller mais il la retenait.

— Quand ? murmura-t-il en la regardant avec enthousiasme ?

— Aujourd’hui, à une heure, répondit-elle ; et avec un long soupir, de son pas léger et rapide, elle alla au devant de son fils.

La pluie avait atteint Serge dans le grand jardin et avec sa vieille bonne il s’était mis à l’abri sous une tonnelle.

— Eh bien, au revoir, dit-elle à Vronskï. Il va falloir bientôt aller aux courses, Betsy a promis de passer me chercher.

Vronskï regarda sa montre et partit hâtivement.