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— Non. Madame est chez elle. Mais allez par le perron, il y a là-bas des domestiques qui vous ouvriront, dit le jardinier.

— Non, je passerai par le jardin.

Certain désormais de la trouver seule, il désirait la surprendre à l’improviste ; en effet, il n’avait pas promis de venir ce jour-là et elle ne l’attendait pas avant les courses. Il marchait en relevant son sabre et s’avançait prudemment sur le sable des allées bordées de fleurs.

En se dirigeant vers la terrasse qui accédait au jardin, Vronskï oubliait soudain toutes les pensées qu’il avait eues le long de la route au sujet de leur situation difficile et pénible. Il n’envisageait plus qu’une chose : qu’il allait la voir à l’instant, non pas en imagination, mais en réalité. Il arrivait déjà, posant tout le pied sur les marches de la terrasse pour ne pas faire de bruit, quand, tout à coup, il se rappela ce qu’il oubliait toujours, ce qui, dans leurs relations, était leur plus grand tourment, son fils, avec son regard qui lui semblait interrogateur et hostile.

Ce garçon plus que tout était un obstacle à leurs relations. Quand il était là ni Vronskï ni Anna ne se permettaient de parler de quoi que ce soit qu’il ne pût répéter devant tous, ni même de faire des allusions que l’enfant n’eût pas comprises. Ils ne s’étaient pas concertés pour agir ainsi, c’était venu naturellement. Ils considéraient comme une offense