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désiré parler de son amour. Il sentait que Iachvine seul, bien qu’il semblât mépriser tout sentiment, pouvait comprendre cette forte passion qui maintenant remplissait toute sa vie.

En outre il était convaincu, qu’ennemi des potins et du scandale, il comprendrait parfaitement son amour et ne le traiterait pas en plaisanterie, comme un simple passe-temps, mais comme une chose sérieuse et importante.

Vronskï ne lui avait jamais parlé de son amour, mais il savait qu’il ne l’ignorait pas, qu’il comprenait tout comme il le fallait, et il avait du plaisir à le voir dans ses yeux.

— Ah oui ! fit-il quand Vronskï lui répondit qu’il était resté chez les Tverskoï, et ses yeux noirs brillèrent ; il prit sa moustache gauche et, par mauvaise habitude, se mit à la mordiller.

— Eh bien ! et toi, qu’as-tu fait hier ? As-tu gagné ? demanda Vronskï.

— Huit mille roubles, mais tous ne sont pas bons, je ne les recevrai pas.

— Eh bien ! alors, tu peux perdre sur moi aussi, dit Vronskï en riant (Iachvine avait parié une forte somme sur Vronskï).

— Je ne perdrai jamais autant. Makhotine seul est dangereux.

Et la conversation tourna sur les courses du jour, la seule chose à quoi pouvait maintenant penser Vronskï.