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choses insignifiantes, sans avoir le courage de dire ce qu’il voulait.

— Comme on fait bien le savon ! dit-il, en regardant le morceau de savon parfumé qu’Agafia Mikhaïlovna avait préparé pour l’hôte, mais qu’Oblonskï n’employait pas. Regarde, c’est une œuvre d’art.

— Oui, maintenant, tout se perfectionne d’une façon extraordinaire, dit Stépan Arkadiévitch en bâillant avec béatitude. Le théâtre par exemple et les établissements de plaisir… Ah ! ah ! fit-il, en bâillant… La lumière électrique partout… Ah ! ah ! ah !

— Oui, la lumière électrique… fit Lévine… Oui… Eh bien ! où est maintenant Vronskï ? demanda-t-il tout à coup en posant le savon.

— Vronskï ? fit Stépan Arkadiévitch suspendant son bâillement. Il est à Pétersbourg. Il est parti peu après toi, et depuis il n’est pas venu une seule fois à Moscou. Et sais-tu, Kostia, je te dirai la vérité, continua-t-il en s’accoudant sur la table et posant sur sa main son beau visage coloré, où brillaient comme des étoiles ses yeux humides, bons et calmes, toi-même as été coupable… Tu t’es effrayé de l’adversaire… Or moi, comme je te le disais alors, je ne sais de quel côté il y avait le plus de chances. Pourquoi n’es-tu pas allé droit au but ? Je t’ai dit alors que… — il bâillait en contractant ses mâchoires, sans ouvrir la bouche.

« Sait-il ou non que j’ai fait ma demande ? » pensa