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expressions, et les emploient à tort et à travers, fermement convaincus qu’ils savent tout : la forêt de mâts, il y en aura trente sagènes. Ils prononcent ces mots sans les comprendre. »

— Je ne te ferai pas la leçon sur ce que tu écris là-bas, dans ta chancellerie, dit-il, et s’il est nécessaire je m’en instruirai près de toi, mais toi tu es convaincu que tu t’y connais très bien en bois ; et c’est une chose si difficile ! Est-ce que tu as compté les arbres ?

— Comment compter les arbres ? fit en riant Stépan Arkadiévitch désirant dissiper la mauvaise humeur de son ami. « Compter les grains de sable et les rayons des planètes, une intelligence supérieure le pourrait-elle ? » déclama-t-il.

— Oui, mais l’intelligence de Riabinine le peut, et pas un marchand n’achètera un bois sans compter, si on ne le lui donne gratuitement, comme toi. Je connais ta forêt ; je chasse par là chaque année ; et elle vaut cinq cents roubles la déciatine, argent comptant, et il t’en donne deux cents roubles à échéances. Alors tu lui fais cadeau de trente mille roubles.

— Allons, n’exagère pas, dit piteusement Stépan Arkadiévitch. Pourquoi donc personne n’a-t-il voulu m’en donner davantage ?

— Parce que tous se sont entendus avec le marchand, il les a payés pour cela. J’ai eu affaire à eux tous ; je les connais. Ce ne sont pas des marchands