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en chariot en dehors de toute route. Le jour de Pâques il neigea, mais tout d’un coup, après la semaine sainte, un vent chaud s’éleva, les nuages s’amoncelèrent et, pendant trois jours et trois nuits une pluie chaude tomba à torrents. Le jeudi, le vent se calma et un brouillard épais et gris, se forma comme pour cacher les mystères des champs qui s’accomplissaient dans la nature.

Dans le brouillard bleuâtre, craquaient des morceaux de glace, et des torrents écumeux coulaient rapidement ; après les fêtes du soir le brouillard se dissipa : les nuages devinrent moutonneux, le temps s’éclaircit ; le vrai printemps était venu.

Le matin, le soleil se levait clair, fondait rapidement la glace très fine qui recouvrait les eaux, et l’atmosphère échauffée tremblait, toute remplie des vapeurs de la terre ravivée. La vieille herbe jaunie verdissait, les bourgeons des groseilliers, des framboisiers, des bouleaux se gonflaient, et sur les champs couleur d’or bourdonnaient les abeilles. Les alouettes, qu’on ne voyait pas, chantaient sur les chaumes, les vanneaux pleuraient au-dessus des mares pleines d’eau trouble, et en haut, tout en haut, volaient avec des cris printaniers les grives et les oies. Le bétail mugissait dans les champs, les agneaux jouaient autour de leurs mères bêlantes, perdant leur toison ; les gamins couraient à grands pas sur les sentiers qui commençaient à sécher ; au bord de l’étang éclataient