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Les premiers temps, Anna se crut sincèrement mécontente de Vronskï parce qu’il se permettait de la poursuivre, mais un soir, ne l’ayant pas rencontré à une soirée où elle comptait le voir, elle comprit clairement, à la tristesse qui la saisit, qu’elle s’était trompée et que cette poursuite non seulement ne lui était pas désagréable mais constituait au contraire tout l’intérêt de sa vie.


Une cantatrice en renom chantait pour la seconde fois ce soir-là, et toute la haute société de Pétersbourg était au théâtre. Vronskï ayant aperçu de son fauteuil, situé au premier rang, sa cousine, se rendit dans sa loge sans attendre l’entr’acte.

— Pourquoi n’êtes-vous pas venu dîner, lui dit-elle. Cette clairvoyance des amoureux est vraiment étonnante, — ajouta-t-elle avec un sourire, et de façon à être entendue de lui seul, — elle n’y était pas. Mais venez après la représentation.

Vronskï la regarda d’un air interrogateur. Elle inclina la tête ; lui, avec un sourire, la remercia et s’assit près d’elle.

— Ah ! comme je me rappelle vos railleries ! — continua la princesse Betsy qui trouvait un plaisir particulier à suivre le progrès de cette passion. — Qu’est devenu tout cela maintenant ? Vous êtes pincé, mon cher.

— C’est mon seul désir, répartit Vronskï avec un