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la jolie femme, tombait d’accord avec elle, lui donnait des conseils demi plaisants, en un mot reprenait le ton et les façons dont il usait en général avec les femmes de cette sorte. Dans son monde, à Pétersbourg, les gens se partageaient en deux catégories tout à fait différentes l’une de l’autre : une catégorie inférieure, composée de gens ordinaires, sots et surtout ridicules, croyant que les maris doivent être fidèles à leurs femmes, les jeunes filles innocentes, les femmes pudiques, les hommes sérieux, rangés et courageux, prétendant qu’il faut élever ses enfants, gagner sa vie, payer ses dettes et autres bêtises de ce genre. C’étaient les démodés, les raseurs.

L’autre catégorie était celle à laquelle Vronskï et ses amis appartenaient ; pour en faire partie il suffisait d’être élégant, généreux, hardi et gai ; de s’adonner à ses passions sans rougir, et de se moquer du reste.

Au premier moment Vronskï, encore sous l’influence du milieu dans lequel il avait vécu à Moscou, se trouva dépaysé ; mais bientôt, il se ressaisit et, comme s’il chaussait de vieilles pantoufles, rentra dans son ancien milieu, plein de gaîté et d’attraits. Le café ne se faisait pas ; tout à coup, il déborda sur le précieux tapis et tacha la robe de la baronne ; mais ce fut un prétexte au tapage et au rire et personne ne s’en plaignit.

— Eh bien ! maintenant, adieu, autrement vous ne