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ment. Là elle s’arrêta, réfléchissant en elle-même à ce qui venait de se passer ; sans se rappeler exactement ses paroles à elle ni les siennes, elle sentait que cette conversation d’une minute les avait rapprochés l’un de l’autre et elle en était à la fois effrayée et heureuse. Après quelques secondes, elle pénétra dans le wagon et reprit sa place. Le trouble qui l’agitait auparavant, loin de disparaître, grandissait au contraire et lui occasionnait une telle tension nerveuse qu’elle craignait à chaque instant que quelque chose ne se rompît en elle.

Elle ne dormit pas de la nuit, mais l’état de surexcitation dans lequel elle se trouvait et qui peuplait de rêves son imagination, n’avait rien de pénible ni de triste, au contraire elle se sentait pleine de joie et d’animation.

Vers le matin, elle s’endormit dans son fauteuil et quand elle s’éveilla il faisait grand jour et le train s’approchait de Pétersbourg. Aussitôt la pensée de sa maison, de son mari et de son fils et les soucis de la prochaine journée et des suivantes l’envahirent.

La première personne qui attira son attention quand le train stoppa à Pétersbourg et qu’elle en descendit, ce fut son mari. « Ah ! mon Dieu ! Pourquoi a-t-il de pareilles oreilles ? » pensa-t-elle en regardant son visage froid, imposant et solennel. C’étaient surtout les ourlets des oreilles où s’arrêtaient les bords du chapeau rond qui maintenant