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Vronskï se leva, regarda amicalement Lévine et lui serra la main.

— Il me semble que je devais dîner avec vous cet hiver, dit-il, avec son sourire simple et ouvert, mais vous êtes parti subitement à la campagne.

— Constantin Dmitritch hait et méprise la ville et ses habitants, dit la comtesse Nordston.

— Mes paroles vous impressionnent sans doute bien fortement que vous vous les rappelez si bien, objecta Lévine.

Et s’apercevant qu’il se répétait, il rougit.

Vronskï regarda Lévine et la comtesse Nordston et sourit.

— Et vous vivez toujours à la campagne ? lui demanda-t-il. Vous devez vous ennuyer l’hiver.

— Nullement, quand on a des occupations, on ne s’ennuie pas seul, répondit Lévine d’un ton sec.

— J’aime la campagne, dit Vronskï feignant de ne pas avoir remarqué le ton de Lévine.

— Mais j’espère, comte, que vous ne consentiriez pas à y vivre toujours ? dit la comtesse Nordston.

— Je ne sais pas. Je n’y suis jamais resté longtemps. Cependant, j’ai éprouvé une fois un sentiment étrange, continua-t-il, je n’ai jamais tant regretté la campagne russe, avec ses lapti et ses paysans, que lorsque j’ai passé un hiver à Nice, avec ma mère. Nice, comme vous le savez, est une ville assez ennuyeuse, de même que Naples ou Sorrente, c’est bien pour peu de temps ; eh bien !