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coutume française — qui veut que les parents décident du sort de leurs enfants — n’était plus admise, mais formellement condamnée ; la coutume anglaise, laissant aux jeunes filles la liberté complète de leur choix, était réprouvée comme impossible dans la société russe. L’usage russe des intermédiaires était considéré comme quelque chose de monstrueux ; tout le monde s’en moquait et la princesse la première. Mais comment faire pour se marier, nul ne le savait ; tous ceux à qui en parlait la princesse lui répondaient la même chose : « Permettez, de nos jours il est temps d’abandonner cette vieille coutume. En somme, ce sont les jeunes gens qui se marient, non les parents, alors, il faut les laisser s’arranger comme ils l’entendent. » Parler ainsi était commode pour ceux qui n’avaient pas de filles, mais la princesse comprenait que dans ces rapprochements sa fille pouvait devenir amoureuse d’un homme qui ne voudrait pas d’elle ou qui serait indigne d’être son mari. Et on avait beau répéter qu’ « à notre temps les jeunes gens doivent arranger eux-mêmes leur vie, » il lui semblait qu’il fallait être aussi insensé pour émettre une opinion semblable que pour prétendre que des pistolets chargés sont les meilleurs jouets pour un enfant de cinq ans. C’est pourquoi la princesse était plus inquiète pour le sort de Kitty qu’elle ne l’avait été pour ses filles aînées.

Maintenant elle craignait que Vronskï se con-