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que de soucis, que d’argent dépensé, que de discussions avec son mari pour le mariage des deux aînées, Dolly et Natalie ! Maintenant, pour la cadette on revivait les mêmes craintes, les mêmes doutes, et les querelles avec le mari recommençaient plus vives encore que pour les aînées. Le vieux prince, comme tous les pères, se montrait surtout pointilleux sur l’honneur et la vertu de ses filles. Il était profondément jaloux à leur endroit, principalement pour Kitty, sa favorite, et à chaque instant, il faisait des scènes à sa femme, lui reprochant de compromettre sa fille. La princesse en avait pris l’habitude avec ses deux aînées, mais à la susceptibilité actuelle du prince elle sentait plus de fondement. Elle avait remarqué dans les derniers temps que les procédés mondains se modifiaient beaucoup, que les devoirs de la mère devenaient plus difficiles. Elle voyait que les camarades de Kitty se réunissaient en société, suivaient des cours, se montraient plus libres avec les hommes, sortaient seules dans les rues, que beaucoup ne faisaient plus la révérence, et, principalement, que toutes étaient fermement convaincues que le choix de leur mari est leur affaire personnelle et non celle des parents.

— « Maintenant on ne marie plus les filles comme autrefois », pensaient et disaient toutes ces jeunes filles et même les vieilles personnes.

Mais comment les mariait-on maintenant ? La princesse ne pouvait l’apprendre de personne. La