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campagne s’étonnent devant la difficulté qu’éprouve le peuple pour parler. Il faut des années avant que les domestiques de la campagne apprennent à s’expliquer avec leurs maîtres. »

C’est ce rapport du simple peuple suisse envers les classes instruites qu’on met à la base du même rapport chez nous. Je crois inutile de m’étendre sur ce fait universellement connu que dans toute l’Allemagne le peuple parle sa langue particulière qu’on appelle platedeutch, et qu’en Suisse allemande, ce plate deutch est particulièrement différent de l’allemand, tandis qu’en Russie, au contraire, c’est nous qui parlons souvent très mal alors que le peuple parle toujours une très belle langue ; le mot de Pestalozzi, en Russie, serait toujours plus juste s’il s’appliquait aux paysans parlant de leurs maîtres.

Un paysan ou un enfant de la campagne aura tout à fait raison en disant qu’il est très difficile de comprendre ce que disent ces êtres, les maîtres. Les pédagogues ignorent le peuple à tel point qu’ils se représentent comme des sauvages ceux qui fréquentent les écoles de villages, et c’est pourquoi on leur enseigne ce que signifie en bas, en haut, que le tableau noir est sur un chevalet. Ils ne pensent pas que si les élèves interrogeaient les maîtres, ceux-ci, fort souvent, seraient pris au dépourvu ; si, par exemple, on enlevait le vernis du tableau, presque chaque enfant pourrait dire de quel bois il est fait :