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ront ; dans la tête de l’un d’eux passera la pensée généreuse de combler de ses bienfaits cet affreux peuple russe, « Allons-y ! » Tous consentent, et il se fonde une société dont le but est l’instruction du peuple — l’impression des bons livres à bon marché pour le peuple, la création d’écoles, l’encouragement aux instituteurs, etc. On rédige des statuts, les dames y prennent part, toutes les formalités nécessaires pour la constitution de la société sont remplies, et l’activité de la société commence. Publier de bons livres pour le peuple ! Cela semble facile et simple comme toutes les grandes idées. Il n’y a qu’une difficulté : il n’existe pas de bons livres pour le peuple, non seulement chez nous mais en Europe. Pour publier de pareils livres il faut les écrire et aucun des bienfaiteurs ne pensera à se charger de ce travail. La société confie à quelqu’un, pour de l’argent, le soin d’inventer, de choisir ou de traduire ce qu’il y a de meilleur (tout cela est facile à choisir) dans la littérature populaire européenne, et le peuple sera heureux, à pas rapides il marchera vers l’instruction et la société sera satisfaite. Pour l’autre face de l’activité scolaire la société agit de la même façon : les rares adeptes qui sont pleins de l’amour du sacrifice consacrent leurs loisirs précieux à l’instruction du peuple. (On ne prend point en considération que ces hommes n’ont jamais lu un seul livre pédagogique et n’ont jamais vu d’autre école que celle qu’ils ont fré-