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trente ans, soixante-dix ans) apporte avec soi une certaine manière de voir qu’il tient de la vie et qu’il aime. Pour qu’un homme de n’importe quel âge se mette à apprendre, il faut qu’il aime l’étude. Pour qu’il aime l’étude, il faut qu’il avoue la fausseté, l’insuffisance de son opinion sur les choses et qu’il pressente instinctivement cette nouvelle conception du monde que lui dévoilera l’étude. Pas un seul homme, pas un seul enfant ne pourrait apprendre si l’avenir de ses études, quand il saura lire, écrire, compter, ne se présentait à lui. Pas un seul maître ne pourrait enseigner, s’il n’avait en son pouvoir une contemplation du monde supérieure à celle de ses élèves. Pour qu’un élève puisse s’abandonner tout entier à son maître, il est nécessaire de lui ouvrir un coin de ce voile qui lui cache le charme de ce monde de la pensée, de la science et de la poésie où doit l’introduire l’étude.

C’est seulement en se trouvant sans cesse sous le charme de ce monde de la pensée, des sciences et de la poésie où doit le conduire l’étude, c’est seulement en se trouvant sans cesse sous le charme de cette lumière qui brille devant lui, que l’élève pourra travailler autant que nous le lui demandons. Quel moyen avons-nous donc pour soulever aux yeux de l’élève ce coin du voile ? Je l’ai déjà dit : je pensais, comme plusieurs, que me trouvant moi-même dans ce monde où il me faut introduire mes élèves, il me serait facile de le faire, et de