prose. Chez les élèves les plus avancés le même
fait se produit avec une particularité dont j’ai été
frappé le mois dernier. Dans la classe de lecture
expressive on leur donne un livre quelconque qu’ils
lisent pendant la récréation et ensuite, tous ensemble
en racontent le contenu. Depuis l’automne ; un élève
s’est joint à eux, T…, nature extrêmement douée,
qui étudia deux années chez le sacristain et qui, à
cause de cela, lit beaucoup mieux qu’eux tous. Il
lit comme nous, et c’est pourquoi, à la lecture
expressive, les élèves comprennent, bien que peu,
quand c’est T… qui lit. Et en même temps,
chacun d’eux veut lire lui-même. Mais dès qu’un
mauvais liseur se met à lire, tous en expriment leur
mécontentement, surtout quand le livre est intéressant.
Ils crient et se fâchent. Ce mauvais lecteur est
froissé et des discussions sans fin commencent. Le
mois dernier, l’un d’eux déclara que, coûte que
coûte, il arriverait, dans une semaine, à lire aussi
bien que T… Les autres ont fait la même promesse,
et tout d’un coup, la lecture mécanique est
devenue l’occupation favorite. Ils restaient une
heure, une heure et demie sans se détacher du livre
qu’ils ne comprenaient pas. Ils se mirent à étudier
le livre chez eux et, en effet, en trois semaines,
il firent des progrès qu’on ne pouvait prévoir. Il
advint avec eux tout le contraire de ce qui arrive
ordinairement aux gens qui savent très bien lire et
écrire.
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