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core eu assez d’horreur : — « Raconte ! Raconte ! » Je racontai encore une fois la terrible histoire du meurtre de la comtesse Tolstoï. Silencieux, ils m’entouraient et regardaient mon visage. — « Il est tombé, le gaillard ! » dit Siomka. — « Ça devait être terrible pour lui de marcher dans la nuit quand le cadavre était là ! Moi, je me serais enfui ! » dit Fedka qui s’accrochait de plus en plus à mes deux doigts. Nous nous arrêtâmes près d’un bouquet d’arbres, derrière les enclos. À l’entrée même du village, Siomka avait ramassé un bâton couvert de neige ; il en frappa le tronc d’un tilleul. Le givre tombait des branches sur nos bonnets et des sons éclataient isolément dans la forêt. — « Léon Nikolaïevitch, dit Fedka (je pensais qu’il allait encore m’interroger sur la comtesse), pourquoi apprend-on à chanter ? Souvent, je me demande pourquoi l’on chante. »

Comment passa-t-il de l’horreur de l’assassinat à cette question ? Dieu le sait. Mais, à en juger par le son de sa voix, par le sérieux avec lequel il tâchait d’obtenir une réponse, par le silence des deux autres enfants, on sentait une corrélation vivante et logique entre cette question et la conversation précédente. Répondait-il à mon explication de la possibilité du crime par l’ignorance (je le leur avais dit) ou la contrôlait-il en se transportant dans l’âme de l’assassin et se rappelant ses occupations favorites (il avait une superbe