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tielle du plaisir. L’été, c’était effrayant de le voir, avec deux de ses camarades, plonger au milieu de l’étang large d’une cinquantaine de sagènes, et disparaître dans le reflet brûlant du soleil d’été. Il faisait la planche, à l’endroit le plus profond, en laissant de petites vagues circulaires autour de lui et, de sa voix aiguë, appelait les camarades restés sur le bord pour qu’ils admirassent sa bravoure. Il savait qu’il y avait des loups dans le bois, c’est pourquoi il voulait y aller. Les autres l’appuyèrent et à quatre nous y partîmes. En garçon de douze ans, très fort physiquement et moralement, Siomka, qui avait reçu le sobriquet de Vavilo, passait devant et interpellait quelqu’un en criant d’une voix aiguë. Pronka, un enfant délicat, doux, très bien doué, d’une famille très pauvre, qui était maladif, surtout par manque de nourriture, marchait à côté de moi. Fedka était entre moi et Siomka et parlait tout le temps d’une voix particulièrement douce : tantôt racontant comment, pendant l’été, il avait gardé les chevaux, tantôt disant qu’il n’y a rien d’effrayant, ou interrogeant : — « Et si quelqu’un bondit ? » et exigeant de moi une réponse. Nous n’entrâmes point en plein bois, c’eût été trop sinistre. Mais même à la lisière du bois il faisait sombre, le sentier se voyait à peine, les feux du village disparaissaient.

Siomka s’arrêta et se mit à écouter : — « Attention, les enfants ! Qu’est-ce qu’il y a ? » dit-il tout à