foule. Maintes fois, affaires pareilles sont résolues
de telle façon qu’on ne sait pourquoi elles le sont ;
et cependant, elles sont résolues à la satisfaction
des deux parties. Combien, en comparaison de
cela, sont injustes et arbitraires tous les procédés
des éducateurs ! — « Vous êtes tous deux coupables,
mettez-vous à genoux », dit le maître ; et le maître
n’a pas raison, car il n’y a qu’un coupable, et l’innocent
est puni doublement. — « Tu es coupable,
puisque tu as fait cela et cela ; et tu seras puni »,
dit le maître. Et celui qui est puni hait encore
davantage son ennemi, car il voit de son côté le
pouvoir despotique dont il ne reconnaît pas la légitimité.
Ou : — « Pardonne-lui, Dieu l’ordonne ainsi,
et sois meilleur que lui », dira le maître. Vous lui
dites : Sois meilleur que lui, et il ne veut qu’être
le plus fort, et il ne comprend pas et ne peut concevoir
un autre mieux. Ou : — « Vous avez tort tous
deux, demandez-vous pardon et embrassez-vous ».
C’est le pire de tout : par la fausseté de ce baiser,
le mauvais sentiment qui s’était apaisé s’enflamme
de nouveau. Laissez-les seuls, si vous n’êtes ni le
père ni la mère qui plaignent leurs enfants, et, à
cause de cela, ont toujours raison quand ils tirent
les cheveux de celui qui a battu leur fils, laissez les
seuls et regardez comme tout s’arrange simplement,
naturellement, et en même temps avec cette complexité
et cette bizarrerie propres à tous les phénomènes
de la vie inconsciente.
Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/339
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
