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l’idée de la sœur et de la mort de la grand’mère. Tout le reste il l’a écrit, et même ne me le montra pas — sauf le premier chapitre — avant que le récit ne fût terminé. Quand il me donna le premier chapitre et que j’en commençai la lecture, je le sentais très ému : retenant son souffle, tantôt il regardait le manuscrit, tantôt mon visage, afin d’y épier l’approbation ou la désapprobation.

Quand je lui dis que c’était bien il devint tout rouge mais ne dit rien ; d’un pas lent il revint à la table, y posa son cahier et sortit lentement dans la cour. Là il joua avec les autres enfants, avec un entrain extraordinaire et quand nos yeux se rencontraient, son regard se faisait tendre et reconnaissant. Le lendemain il avait déjà oublié ce qu’il avait écrit. Moi, j’ai seulement inventé le titre, la division en chapitres, et par ci par là, corrigé des fautes d’inattention. Cette nouvelle a été publiée dans sa version originale sous le titre : La Vie d’une femme de soldat[1].

Je ne parle pas du premier chapitre, bien qu’il y ait là des beautés incomparables et bien que Gordeï, l’insouciant, y soit représenté avec beaucoup de fidélité et de vie : Gordeï qui paraît avoir honte de son repentir et croit seulement convenable de demander à l’assemblée de protéger son fils. Malgré cela, ce chapitre est beaucoup plus faible que les suivants. Et moi seul en suis cou-

  1. Nous donnons la traduction de ce récit à la fin de l’Appendice.