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sentiment de la mesure, était développée en lui extraordinairement. Il était choqué de chaque détail superflu soufflé par quelqu’un des gamins. Il se montrait si despote, et il en avait le droit, dans la construction de la nouvelle, que bientôt les gamins partirent chez eux, et il resta seul avec Siomka qui ne lui en cédait pas, bien qu’il composât d’une autre façon. Nous travaillâmes de sept heures à onze heures. Ils ne sentaient ni la faim ni la fatigue et se fâchaient après moi quand je cessais d’écrire. Ils se mirent à écrire à tour de rôle, mais bientôt ils s’arrêtèrent ; cela ne marchait pas. À ce moment Fedka me demanda mon nom. Nous rîmes de ce qu’il ne le sût pas.

— Je sais, dit-il, comment vous vous appelez, mais je ne sais pas comment on nomme votre maison. Voilà, chez nous, il y a des Fokamitchev, des Ziabrev, des Ermiline.

Je lui répondis.

— Est-ce que nous le publierons ? demanda-t-il.

— Oui.

— Alors il faut imprimer : l’œuvre de Makharov, Morosov et Tolstoï ?

Longtemps il fut ému et ne put s’endormir.

Et je ne puis rendre le sentiment d’émotion, de joie, de crainte, et presque de remords que j’éprouvai cette soirée-là. Je sentais que depuis ce jour, pour lui s’ouvrait un monde nouveau, monde de plaisirs et de souffrances : le monde de l’art. Il