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mêmes. Deux d’entre elles : Il nourrit avec la cuiller et pique les yeux avec le manche[1] et La Vie d’une femme de soldat ont été composées de la façon suivante :

L’art essentiel d’un maître pendant l’étude d’une langue, et l’exercice principal de cette étude qui est de guider les enfants dans la rédaction, consiste à donner le sujet, et moins à le donner qu’à en laisser le choix le plus large, à indiquer les dimensions du développement, à en montrer les procédés les plus élémentaires. Plusieurs élèves intelligents, bien doués ont écrit des sottises, par exemple, l’un a écrit : « L’incendie s’enflamma, on se mit à sortir le mobilier, et moi je suis sorti dans la rue », et rien de plus malgré que le sujet fut très riche et que ce qu’il fallait décrire eût fait sur l’enfant une forte impression. Il ne comprenait pas le principal : pourquoi il faut écrire et ce qu’il y a de bon dans ce qu’il écrit. Il ne comprenait pas l’art d’exprimer la vie avec des mots et la séduction de cet art. Comme je l’ai déjà écrit dans le no 2, j’ai essayé diverses manières de donner des sujets : selon les capacités j’ai choisi des sujets positifs, artistiques, touchants, drôles, épiques, rien ne marchait. Voici comment je suis tombé, par hasard, sur le vrai procédé.

Depuis déjà longtemps la lecture du recueil de proverbes de Snéguirev est une de mes occupations

  1. Proverbe russe qui signifie que les bienfaits de certaines gens deviennent parfois pénibles.