des lapti d’écorce tressée et se tissent des chemises,
qui n’ont jamais lu un seul livre, qui changent de
chemise tous les quinze jours et l’ôtent pleine d’insectes,
qui connaissent le temps d’après le soleil
et le chant du coq, et n’ont pas d’autres besoins
que de fournir un travail de cheval, de dormir,
de manger et de s’enivrer, vous dites que ces
paysans sont mécontents des chemins de fer ? Ce
ne sont pas des hommes mais des animaux,
penseront et diront les progressistes, c’est pourquoi
nous nous croyons le droit de ne pas tenir
compte de leur opinion et de faire pour eux ce
que nous trouverons bon pour nous. » Si cette opinion
n’est pas exprimée, elle est toujours au fond
des discussions des progressistes. Mais je crois que
ces hommes qu’on traite de sauvages, et des générations
entières de ces sauvages, sont juste les
mêmes hommes et la même humanité que les Palmerston,
les Othon, les Bonaparte ; je crois que
des générations d’ouvriers portent en elles juste les
mêmes qualités humaines, — et surtout celle de
chercher le mieux, comme le poisson cherche la
profondeur, — que les générations des lords, des
barons, des professeurs, des banquiers, etc. Dans
cette idée je suis encore affermi par ma conviction
personnelle — évidemment c’est peu — qui consiste
en ce que, chez la majorité des générations ouvrières,
il y a plus de force et plus de conscience de
la vérité et du bien que chez celles des barons, des
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