Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux paysans ? Par eux les plaisirs augmentent, les forêts se détruisent, les ouvriers chôment, le prix du blé hausse. Peut-être me suis-je trompé en parlant des causes pour lesquelles le peuple est toujours malveillant envers les chemins de fer, peut-être en ai-je omis quelques-unes, mais le fait indiscutable de la mauvaise disposition d’esprit du peuple envers les chemins de fer existe dans toute sa force. Le peuple se réconciliera avec les chemins de fer dans la mesure où il en profitera. Le vrai peuple, c’est-à-dire le peuple qui travaille et vit du produit de ses travaux, le peuple par excellence, l’agriculteur, les neuf-dixièmes de tout le peuple sans qui aucun progrès ne serait possible, est toujours hostile aux chemins de fer. Ainsi, ceux qui croient au progrès, une petite partie de la société, disent que les chemins de fer sont l’indice de l’augmentation du bien-être du peuple ; la plus grande partie de la population dit que c’est la preuve de sa diminution.

Nous pourrions contrôler et expliquer dans chaque manifestation du progrès cette opposition que lui fait le peuple, mais nous nous bornerons aux exemples cités et nous tâcherons de répondre à la question qui se pose naturellement : Faut-il croire à cette opposition du peuple ? On nous objectera : « Vous dites que les paysans cultivateurs qui passent toute leur vie vêtus de bure dans l’isba ou derrière la charrue, qui se fabriquent eux-mêmes