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sique, est stérile dès que contraire aux conditions historiques, c’est-à-dire, plus simplement, aux opinions qui ont cours ; que cette pensée est même inutile grâce à la découverte de la loi générale selon laquelle l’humanité avance même sans la participation de l’idée contraire aux convictions dominantes. Cette loi imaginaire de l’humanité s’appelle le progrès. Toute la cause, non seulement de notre désaccord avec M. Markov, mais aussi de la négligence complète dont nos arguments ont été l’objet, consiste en ce que M. Markov croit au progrès et que je n’ai pas cette foi. Qu’est-ce donc que cette idée de progrès, que la foi dans le progrès ?

La définition de l’idée maîtresse du progrès sera la suivante : « L’humanité se modifie sans cesse, survit au passé en tenant de lui les travaux commencés et les traditions. » Au sens figuré, ce changement des rapports humains, nous l’appelons le mouvement. Le changement passé, nous l’appelons en arrière, le changement futur, en avant. En général, au sens figuré, nous disons que l’humanité avance. Cette propriété, bien qu’exprimée peu clairement et au sens figuré, est indiscutable. Mais après cette propriété indiscutable, ceux qui ont foi dans le progrès et le développement historique en créent une autre, non prouvée : l’humanité, soi-disant, jouissait autrefois d’un bien-être moindre ; plus nous regardons en arrière, moins il y avait de