Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.

binaisons possibles. Et on nous dit qu’il en doit être ainsi. On nous dit : « Vous, les profanes, ne mettez pas votre nez dans nos affaires où il faut un art et un savoir particuliers. C’est le développement historique. » Et pourtant l’affaire est claire : les uns veulent enseigner, les autres veulent apprendre. Qu’ils enseignent comme ils savent, qu’ils apprennent tant qu’ils veulent.

Je me rappelle qu’au beau milieu de la discussion du projet de Kostomarov à propos des universités, je défendis ce projet devant un professeur. Avec quel sérieux, profond, inimitable, il m’a chuchoté confidentiellement : « Mais savez-vous ce que c’est que ce projet ? Ce n’est pas le projet d’une nouvelle université, mais le projet de l’anéantissement des universités. » Et il me regarda avec horreur. — « Eh bien, quoi ! ce serait très bien puisque les universités sont mauvaises, » répondis-je. Le professeur ne voulut pas discuter avec moi ; néanmoins il ne pouvait me prouver que les universités sont bonnes, pas plus que personne ne peut le prouver.

Tous sont des hommes, même les professeurs. Pas un seul ouvrier ne dira qu’il faut anéantir la fabrique où il trouve son morceau de pain, et non par calcul, mais instinctivement. Les messieurs qui se soucient de la grande liberté des universités sont semblables à l’homme qui élèverait dans la chambre un jeune rossignol et qui, s’étant convaincu que le rossignol a besoin de liberté, ouvri-