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que l’arbitraire. (Le Circassien enseigne à voler, le Musulman à tuer l’infidèle.)

L’éducation, comme objet de science, n’existe pas. L’éducation, c’est la tendance au despotisme moral érigé en principe. L’éducation est, je ne dirai pas l’expression du mauvais côté de la nature humaine, mais c’est un phénomène qui prouve l’arriéré de la pensée humaine et qui, par là, ne peut être posé comme base de l’activité raisonnable de l’homme.

L’éducation c’est la tendance chez un homme à faire d’un autre ce qu’il est lui-même. (La tendance d’un pauvre à prendre la richesse d’un riche, le sentiment d’envie du vieillard regardant la jeunesse forte et fraîche, l’envie élevée en principe, en théorie.) Je suis convaincu que l’éducateur ne peut s’occuper avec tant de zèle de l’éducation de l’enfant que poussé par l’envie que lui inspire la pureté de l’enfant et le désir de le faire semblable à lui, c’est-à-dire de le gâter.

Je connais un brocanteur, en même temps aubergiste, qui a l’habitude de gagner des kopeks par des moyens très louches. Chaque fois que je l’exhorte à envoyer son fils, un bon garçon de douze ans, à l’école de Iasnaïa-Poliana, lui, élargissant sa large face en un sourire satisfait, me répond toujours la même chose :

— C’est ça, Votre Excellence, mais avant tout il me faut l’imprégner de mon esprit.