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immense, qui ne sera peut-être pas évident pour tout le monde mais qui arrêtera pour longtemps le développement de l’instruction du peuple russe.

Le besoin de l’instruction naît à peine dans le peuple. Après le manifeste du 19 février[1] le peuple a exprimé la conviction qu’il a maintenant besoin d’instruction et que, pour l’acquérir, il est prêt à s’imposer des sacrifices. Il a exprimé cette conviction par un fait : des écoles libres se fondent partout en grand nombre. Le peuple a marché et marche dans la voie où le gouvernement désirait le voir. Et, tout d’un coup, en mettant un frein aux écoles libres, en faisant peser sur tous l’impôt de l’école obligatoire, le gouvernement, non seulement ne reconnaît pas l’ancien mouvement de l’instruction, mais paraît le nier. Il paraît imposer au peuple l’obligation d’une autre instruction étrangère au peuple ; il l’empêche de participer à son propre ouvrage, et il exige non les conseils et la décision mais la soumission seule. Sans parler que l’expérience m’a révélé le mal, dans un cas particulier, l’histoire et le bon sens nous montrent les résultats pénibles d’une intervention pareille : le peuple se croira le martyr de la violence. Les vieilles écoles de sacristains lui paraîtront une chose sacrée, toutes les nouvelles écoles du gouvernement lui sembleront des nouveautés maudites et, avec colère,

  1. Manifeste du 19 février 1861, proclamant l’émancipation des serfs. (N. d. T.)