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— C’est mon journal, Nicolas, dit-elle en lui tendant un cahier blanc, noirci de son écriture longue et nette.

— Le journal ? dit Nicolas avec une nuance de raillerie. Il prit le cahier. Il y était écrit en français :

« 4 décembre. Aujourd’hui Andrucha (mon fils aîné) en s’éveillant n’a pas voulu s’habiller et mademoiselle Louise m’a envoyé chercher. Il était capricieux et obstiné. J’ai essayé de le gronder, il s’est fâché encore davantage. Alors je l’ai laissé et, avec la bonne, je me suis mise au lever des autres enfants, et à lui, j’ai dit que je ne l’aimais pas. Longtemps il resta silencieux, paraissant étonné ; ensuite, en chemise, il courut vers moi et sanglota tellement que de longtemps je ne pus le calmer. Évidemment il pleurait surtout de m’avoir attristée. Puis le soir, quand je lui ai donné son petit billet, il a pleuré très plaintivement en m’embrassant. On peut tout obtenir de lui par la tendresse. »

— Qu’est-ce que c’est que ce petit billet ? demanda Nicolas.

— Aux aînés j’ai commencé à donner chaque soir un petit billet de leur conduite.

Nicolas fixa les yeux rayonnants qui le regardaient et continua de feuilleter et de lire. Dans le journal étaient notés les moindres événements de la vie des enfants, tout ce qui semblait remarquable pour la mère comme indices de leurs caractères,