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envoie précisément Dokhtourov l’indécis, l’impénétrable, et Koutouzov se hâte de réparer sa faute quand il en envoie un autre. Et le petit et modeste Dokhtourov va là-bas, et Borodino est la meilleure gloire de l’armée russe. Or nous célébrons en vers et en prose beaucoup de héros, mais de Dokhtourov pas un mot.

On envoie de nouveau Dokhtourov, là-bas, à Fominskoié, et de là à Mali Iaroslavetz où a lieu la dernière bataille avec les Français, à cet endroit où commence indiscutablement la perte des Français. Et de nouveau on nous décrit beaucoup de génies et de héros de cette période de la campagne, mais de Dokhtourov on ne dit rien ou à peu près. Ce silence à l’égard de Dokhtourov, mieux que tout, prouve ses qualités.

Il est naturel qu’un homme qui ne comprend pas le fonctionnement d’une machine en la voyant en activité croie que la partie la plus importante de cette machine, c’est ce petit copeau qui est tombé par hasard et entrave sa marche. Celui qui ne connaît pas la construction de la machine ne peut pas comprendre que ce n’est pas ce petit copeau qui a de l’importance dans son activité, et que le petit pignon qui tourne sans bruit est l’organe le plus important de la machine.

Ce même jour du 10 octobre, quand Dokhtourov ayant parcouru la moitié de la route jusqu’à Fominskoié s’arrêta au village Aristovo, se préparant