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tare de Kazan, ceint d’une serviette de toile, le visage bouffi, jaune, méchant. Une de ses mains, ornée d’une bague, était dans son gousset ; de l’autre, il s’appuyait sur un tuyau de pipe. Essoufflé et grommelant, il se fâchait contre tous parce qu’il s’imaginait qu’on le poussait, que tous se hâtaient, et sans raison, que tous s’étonnaient de quelque chose alors qu’il n’y avait rien d’étonnant. Un autre officier petit, maigre, causait avec tout le monde en tâchant de deviner où on les emmenait maintenant et quelle distance ils pourraient parcourir ce jour-là. Un fonctionnaire en uniforme de commissaire observait Moscou incendiée et faisait à haute voix ses remarques : qu’est-ce qui est brûlé ? quelle partie de Moscou voit-on ?… etc.

Un troisième officier, d’origine polonaise à en juger par son accent, discutait avec le commissaire et lui prouvait qu’il se trompait dans la dénomination des quartiers de Moscou.

— Sur quoi discutez-vous ? fit méchamment le major. Que ce soit le quartier de Saint-Nicolas ou de Vlass, c’est la même chose, vous voyez ; tout est brûlé et c’est fini !… Pourquoi poussez-vous ? La route n’est-elle pas assez large, dit-il avec colère à quelqu’un qui marchait derrière lui et ne poussait pas.

— Aïe ! Aïe ! qu’ont-ils fait ! s’entendaient, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, les voix des prisonniers qui regardaient les ruines de l’incendie :