Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gèrent à une distance trop voisine de l’ennemi…

Un silence qui parut à tous très long suivit ces paroles. Les débats reprirent, mais souvent interrompus ; on sentait qu’il n’y avait rien à discuter.

Pendant ces interruptions, Koutouzov soupirait péniblement, il semblait se préparer à parler ; tous le regardaient.

Eh bien, messieurs ! je vois que c’est moi qui payerai les pots cassés, dit-il. Il se leva lentement et s’approcha de la table. — Messieurs, j’ai écouté vos opinions. Quelques-uns ne sont pas d’accord avec moi, mais moi (il s’arrêta un moment), en vertu des pouvoirs que m’ont conférés l’empereur et la patrie, j’ordonne la retraite.

Aussitôt, les généraux commencèrent à se lever et à sortir avec le même cérémonial qu’après des funérailles.

Quelques généraux, d’une voix contenue, toute différente de celle qu’ils avaient au Conseil, dirent quelque chose au commandant en chef. Malacha, qui attendait depuis déjà longtemps le souper, descendit prudemment derrière les bancs, en accrochant ses petits pieds nus contre le poêle, puis, se faufilant à travers les jambes des généraux, elle disparut par la porte.

Koutouzov, après avoir pris congé des généraux, s’assit et resta longtemps accoudé sur la table en pensant toujours à la même question terrible : « Quand donc s’est-il décidé que Moscou serait