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sur des clous de bois, au-dessus de sa tête, puis il prit un couteau, coupa quelque chose, referma le couteau, le plaça sous sa tête et s’installa plus commodément ; tenant ses deux genoux à brassée il fixa les yeux sur Pierre.

Pierre sentait quelque chose d’agréable, de consolant, de rond, dans les mouvements réguliers, dans ce petit coin bien arrangé, même dans l’odeur de cet homme qui ne le quittait pas des yeux.

— Avez-vous vu beaucoup de misères, monsieur, hein ? dit tout à coup le petit homme.

Une expression si caressante, si simple, était dans la voix chantante de l’homme que Pierre voulut répondre ; mais ses lèvres tremblaient et il sentit des larmes. Immédiatement, sans donner à Pierre le temps de montrer sa gêne, le petit homme se mit à parler de la même voix agréable.

— Hé ! petit faucon, ne t’ennuie pas ! dit-il de cette voix tendre, caressante, chantante, dont parlent les vieilles femmes russes. Ne t’ennuie pas, mon ami, le chagrin dure une heure et la vie un siècle ! C’est comme ça, mon cher. Et nous vivons ici, grâce à Dieu, sans misère. Ce sont des hommes eux aussi. Il y en a de bons, il y en a de mauvais. Et d’un mouvement élastique il se leva en toussotant et alla quelque part.

— La voilà, camarade. Hé ! canaille ! tu es revenue ! disait à l’autre bout de la baraque la même